Histoire du Mont-Blanc

"En été 1986, Chamonix célébrait le bicentenaire de la première ascension du Mont-Blanc. Deux siècles auparavant, le 8 août 1786, un homme de vingt-neuf ans, le docteur Paccard, fils de notaire de Chamonix, et Jacques Balmat, un cristallier de vingt ans, originaire des Pèlerins, foulaient le plus haut sommet d'Europe à 6h25 du matin. Horace Bénédicte de Saussure, un homme de science genevois était l'instigateur de cette grande aventure. Après un premier voyage à Chamonix, cet homme fortuné et passionnément amoureux du Mont-Blanc avait décidé d'offrir une coquette récompense à quiconque découvrirait une voie conduisant au sommet. Lors de ses premières tentatives (1775, 1783, 1784 et 1785), les pionniers de l'alpinisme atteignirent l'éperon de la Montagne de la Côte, suivirent la combe du grand glacier des Bossons pour monter directement vers le sommet par le versant Nord. En 1784, J.M. Couttet et F. Guidet découvraient une alternative par l'arête Nord-Ouest, qui traversait l'aiguille du Goûter et permettait de progresser jusqu'au dôme du même nom. En juin 1786, deux équipes se mettaient en route afin de comparer les deux itinéraires. S'étant rejointes aux environs du col du Dôme, elles cheminèrent ensemble jusqu'au point qui correspond à peu près au site du refuge Vallot, puis redescendirent. C'est à cet endroit que se produisit un curieux incident, qui, indirectement, devait changer les mentalités et abolir la crainte la montagne. Une des cordées avait opté pour le glacier. Jacques Balmat était resté en arrière pour ramasser des cristaux et les autres l'avait tout simplement oublié en montagne. Il redescendit seul en poursuivant sa collecte. Une tempête de neige l'ayant obligé à bivouaquer, il ne rentra à Chamonix que le lendemain matin. Par la suite, il fit équipe avec Paccard (ou fut engagé), qui, lui aussi, étudiait la montagne et y effectuait des reconnaissances. Les deux hommes décidèrent de préparer une tentative ensemble sans aucune autre aide. Comme prévu, l'ascension se déroula entre les 7 et 9 août et fut indéniablement l'une des entreprises les plus audacieuses de l'histoire de l'alpinisme : une vraie réussite. Cette nuit que Balmat avait passée dans la montagne leur avait donné confiance, ils savaient désormais qu'il pourraient continuer à progresser jusqu'à une heure tardive et qu'on pouvait survivre à un bivouac en altitude. Pourtant, malgré de bonnes conditions de neige, ils descendirent le glacier à la lueur de la Lune et regagnèrent la Montagne de la Côte vers minuit seulement.

 

Sur le sommet du Mont-Blanc (photo : Hartmut Bielefeldt, juillet 1993)

Cette course enthousiasma H.B. de Saussure qui entama aussitôt des préparatifs pour partir lui aussi à la conquête du Mont-Blanc en engageant Balmat. En 1787, Balmat gravissait la montagne une seconde fois avec M. Cachet et A. Tournier. Le 1er août, il accompagnait H.B. de Saussure et dirigeait une cordée de dix-sept guides. Horace Bénédicte de Saussure escaladait enfin la montagne qui, pendant si longtemps, avait été l'objet de ses désirs. En amont du Grand Plateau, ils suivirent une ligne qui monte vers les rochers Rouges (soit plus haut que la voie Balmat-Paccard). De longues années durant, cet itinéraire appelé Ancien Passage fut considéré comme la ligne d'ascension.

Pour H.B. de Saussure, qui jouissait d'une grande renommée scientifique, cette victoire donna lieu à des publications qui le rendirent célèbre dans le monde entier. Mais hélas, les détails de cette première ne tardèrent pas à s'effacer, sans doute à la suite de machinations orchestrées par des journalistes jaloux.. On exagéra le rôle joué par Balmat dans la découverte de la voie décisive ; on transforma l'esprit qui régnait lors de cette ascension, cela aux dépends de Paccard. Une longue querelle à épisodes entre les partisans des uns et et des autres dura près de deux siècles. Vittorio Amedeo III, roi de Sardaigne et de Savoie, décora Balmat. La ville de Chamonix immortalisa ses deux héros, Jacques Balmat et Horace Bénédicte de Saussure, en érigeant une statue en leur honneur. Michel-Gabriel Paccard était éclipsé jusqu'à ce qu'un groupe de scientifiques et d'historiens de l'alpinisme impose sa reconnaissance et qu'un buste du docteur soit inauguré en 1932."

Helmut Dumler et Willi Paul Burkhardt

 

Retour sur la page Saint Gervais du Damou-lè